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5 août 2023

Les transparents (Nouvelle)

Il est allongé. Certitude. Mais où ? Lit, cercueil ? Comment choisir ?

Il décide de se lever. S’il le peut, ce n’est pas un cercueil. Peut-être un lit, après tout.

Il est levé, tout va bien. Il titube, un peu. Mais pas plus qu’à l’ordinaire, du moins lui semble-t-il. Peut-être moins.

Son logement, manifestement déserté, le déconcerte ; mal à l’aise, profondément. N’y tenant plus, il décide de s’enfuir. De sortir.

Le voilà dans la rue. Le jour n’est toujours pas levé, mais une lueur blanchâtre à l’est donne tout de même à espérer. Dans la rue, des silhouettes anonymes et indéfinies s’agitent en tous sens, aussi déterminées et hâtives que si elles se rendaient quelque part, ou craignaient de se trouver dépassées par le temps qui passe. À moins que cette agitation désordonnée ne soit seulement un moyen, plus ou moins inconscient, de lutter contre la froidure matinale. Ou encore un moyen détourné de se donner l’illusion d’avoir à faire, et donc d’exister.

Les passants passent en s’évitant les uns les autres, comme tous les matins. Personne ne prend garde à personne, comme tous les matins. Personne ne prend garde à lui, comme tous les matins. L’extrême solitude de la foule en foule. Ne serait ce sentiment d’étrangeté muette dont il ne parvient pas à se défaire, tout irait bien, ou presque.

Les passants vont, diversement, mais tous, emmitouflés, protégés comme ils peuvent. Soudain, il en prend conscience ! Horreur subite ! Tous protégés, tous, sauf un seul. Lui ! Il a froid, bien sûr, mais ce n’est pas ce qui est horrible. Il découvre qu’il va comme il a dormi. Entièrement nu ! Complètement occupé par l’angoisse du réveil, il a fui sans réfléchir, oubliant même de se vêtir, ne serait-ce que du moindre morceau de chiffon. Il se découvre nu, complètement nu, dans la rue, nu parmi la foule, plus nu que nu, comme dans un cauchemar. En fait, un cauchemar.

Malgré le froid, le rouge de la honte lui monte au front. S’enfuir, se cacher, échapper aux regards des autres. Mais se cacher, où, comment ? S’enfuir, où, comment ? S’échapper ? On peut bien tenter de s’échapper de tout, sauf de son propre destin. Ton destin te colle à la peau, voilà la vérité.

Il faut se rendre à l’évidence, il ne peut pas s’enfuir. Quand on ne peut plus s’échapper, la seule issue est de faire face. Il décide de faire face. Agir comme si tout était normal ; prendre un air naturel. Il prend un air naturel. Enfin, le plus, le mieux qu’il peut. Comme il a très froid, il tremble. Un air naturel quand malgré soi on claque des dents, et qu’on ne porte aucun vêtement, ce n’est pas bien commode. Mais le plus étonnant, ce qui est incompréhensible, c’est que personne, absolument personne ne semble le remarquer, ni même le voir. Pourtant, un individu qui circule, complètement nu, en ville dans une rue animée, cela devrait suffire à provoquer un attroupement. Mais là, non, rien ! Les gens vont autour de lui, parfaitement indifférents, exactement comme s’ils ne le voyaient pas. D’ailleurs, tout se passe comme s’il était devenu invisible, parce que non seulement personne ne semble le voir, mais personne ne fait rien pour l’éviter, et, sans cesse, il lui faut esquiver tantôt l’un, tantôt l’autre, tantôt ici, tantôt là, pour s’épargner les collisions. À un certain moment, la foule devient si dense que malgré toute sa bonne volonté, il ne trouve plus à se faufiler et, découragé, il quitte le trottoir pour marcher dans la rue. Dans la rue, plus de piétons, mais bien sûr les véhicules, et si leurs conducteurs le remarquent aussi peu que ne semblent le faire les piétons, l’accident n’est plus qu’une question de temps. Inquiet malgré lui, il jette un œil en arrière, et découvre avec horreur un autocar qui avance rapidement à moins de trois tours de roue, droit sur lui. Trop tard pour éviter le choc, désormais inévitable. Saisi, figé, impuissant, il ferme les yeux, résigné à l’inévitable. Une seconde, trois peut-être, mais le choc attendu ne se produit pas. Encore un peu, toujours pas. Il se décide à ouvrir les yeux, s’attendant au pire. Surprise, derrière lui, rien. Il regarde en avant et découvre sans comprendre, plus de trente mètres devant lui, l’autocar qui s’éloigne rapidement.

– Le chauffeur, quel champion ! Il a rĂ©ussi Ă  m’éviter ! Cela lui paraĂ®t invraisemblable, mais comment expliquer autrement qu’il soit toujours vivant et qu’il n’y ait pas eu de choc ? Inexplicable !

– ĂŠtes-vous devenu fou, l’ami ? Ă€ cette saison, dans cette tenue ? Je ne sais ce que vous voulez prouver, mais ce qui est sĂ»r, c’est que vous allez mourir de froid ! Tenez ! Jetez cela sur vos Ă©paules, c’est mon manteau ! Pour moi, je vais me contenter de mon grand fichu, j’habite Ă  deux pas, je tiendrai bien jusque-là ! Et vous m’accompagnez, Ă  votre âge, il faut vite, très vite, vous mettre au chaud. Mon pauvre mari est dĂ©cĂ©dĂ©, mais j’ai gardĂ© la plupart de ses affaires. Nous trouverons Ă  peu près de quoi vous Ă©quiper ; et vous me raconterez votre histoire. Qui sait, vous parviendrez peut-ĂŞtre Ă  m’étonner.

Une femme, plutôt âgée, mais aussi soignée qu’élégante. Autoritaire, certes, mais ni plus ni moins que toutes les femmes de cet âge. Et puis beaucoup de charme, à la différence de la plupart des femmes de cet âge. Il remercie pour le manteau, qui n’est pourtant pas très agréable sur sa peau nue ; mais, plus que la protection contre le froid, il apprécie d’échapper à sa nudité publique. La femme marche vite ; pieds nus, il souffre et peine à la suivre. Ses pieds, justement, ses pieds, il se les découvre gelés. Garder l’équilibre sur ses pieds gelés, plus difficile qu’il n’aurait imaginé.

– Je sais bien que je marche trop vite, trop vite pour vous, bien sûr, mais rassurez-vous, trop vite pour moi aussi ; question de survie ; le seul moyen d’atteindre mon domicile avant que l’un de nous deux ne soit mort de froid, voire les deux peut-être. Voyez, j’ai bien fait, nous sommes a priori encore vivants tous les deux, et pourtant, nous y sommes ! Le carrefour à traverser !

Le carrefour à traverser, il découvre… une sorte de ruelle étroite, si étroite qu’elle échappe définitivement à toute méchanceté automobile, et bordant les deux côtés de la ruelle, d’authentiques maisons individuelles, à peine plus grandes que des maisons de poupées.

– La mienne, la troisième Ă  gauche, trois pas, nous y sommes. Ma clé ! Je l’ai.

Un mur, une porte. La porte ouverte, on découvre une courette qu’on ne devinait pas depuis la rue. Un perron de quelques marches.

– Ne posez pas de questions, ne regardez rien, ne vous Ă©tonnez pas, il ne vous reste sans doute plus assez de forces pour cela ; entrez, entrez le plus vite que vous pouvez, vous verrez, comme tous les pauvres, je ne me soucie pas du tout des obligations gouvernementales, et c’est plutĂ´t bien chauffĂ© chez moi !

Aussitôt entré, la porte refermée, c’est l’évidence, il règne dans la maisonnette une chaleur non réglementaire, mais tellement agréable !

– D’un cĂ´tĂ©, c’est vrai, mon domicile est exactement ce que ces imbĂ©ciles prĂ©tentieux qualifient de « passoire thermique ». Mais de l’autre, tout est si petit… Pas bien long, pas bien lourd Ă  chauffer. Et chez moi, de l’air constamment renouvelé ! Une passoire thermique, c’est seulement un local normalement aĂ©rĂ©. La rĂ©glementation conduit les gens Ă  vivre dans un air toujours plus appauvri, ce qui n’est sans doute pas pour rien dans l’appauvrissement cĂ©rĂ©bral collectif qu’on observe aujourd’hui. Asseyez-vous, je vous cherche de quoi vous redonner un aspect un peu plus civilisĂ©.

Quelques instants plus tard, le voilà complètement habillé. De bric et de broc, comme on dit, mais enfin bon, un ensemble tout à fait convenable. On lui a même trouvé des chaussures. À sa taille, ou presque.

– Vous voilĂ  Ă©quipĂ©, et il fait bon chez moi. Pourtant, vous continuez de trembler de froid.

Il s’excuse ; il ne se contrôle pas ; c’est comme si le froid s’était installé à l’intérieur même de ses os. Il n’a bien sûr pas à s’excuser. Il a froid, il n’y est pour rien, personne ne songe à l’accuser.

– Il faut seulement que l’on trouve, le plus rapidement possible, un moyen ou un autre de vous remettre Ă  une tempĂ©rature, disons, humaine. Une boisson tiède, ou mĂŞme chaude ?

Il remercie ; il essaye de boire ; il voudrait boire ; mais il découvre que non, il ne peut pas, il ne peut rien prendre ; il faut qu’il se force ; il se force ; impossible ; la nausée plus forte que la soif ; et le froid, plus fort que le monde. Hypothermie, dit-elle. Je ne sais pas ce que je dois faire. Dans un monde normal, je vous ferais hospitaliser. Mais nous ne sommes pas dans un monde normal. S’ils vous mettent la main dessus, aucun doute, ils voudront vous soigner pour une maladie qui ne vous concerne pas et pour le seul bien de leurs statistiques ; dans l’état où vous êtes, vous n’en réchapperez pas, ils seront donc enchantés, pour ces médecins-là, un malade qui meurt, de la richesse en sus. Tandis que chez moi, qui sait, avec un peu de chance… vous pourrez peut-être vous en sortir. Je ne vous le promets pas bien sûr, mais je n’ai rien de mieux à vous proposer.

Elle ne demande rien ; mais il le sait, elle est intriguée. Comment en est-il arrivé là ?

Il voudrait expliquer. Il comprend parfaitement, ne pas expliquer est une forme d’incorrection. Cette personne lui apporte toute l’aide possible, sans elle, il serait certainement mort à présent ; le minimum, dire ce qu’il sait, ce qu’il comprend.

Mais justement, que sait-il ? Il faut bien l’avouer, il ne sait pas, il ne comprend pas. S’il le voulait, il en a conscience, s’il le voulait, il pourrait plus ou moins se souvenir de sa vie d’avant ; assez en tout cas pour raconter ; au moins les généralités, les grandes lignes. Mais ce qui s’est produit entre cette vie précédente, et l’actuelle, survenue brutalement et sans préavis, il ne se souvient pas, il ne comprend pas, il n’a pas d’explication.

– Aucune importance, pas de soucis. Cela vous reviendra quand vous irez mieux ; ou disons, moins mal. Pour l’instant, il nous faut seulement faire en sorte que vous soyez en mesure de raconter un jour votre histoire, et donc que vous ne passiez pas prĂ©maturĂ©ment de vie Ă  trĂ©pas. En somme, un seul souci en ce moment, votre survie, et si l’on tient compte de notre peu de moyens, de quoi nous occuper complètement. Le plus urgent est de rĂ©duire l’hypothermie, et c’est Ă  cela que nous allons consacrer nos efforts. Il faut que je vous couche ; mais je n’ai rien pour vous coucher en bas.

La maison de poupée comporte un étage, que l’on gagne par un escalier étroit et un peu raide, un escalier de maison de poupée. L’un aidant l’autre, ils viennent à bout de l’escalier. Quelques instants plus tard, il est couché, sans s’être dévêtu, sous ce qui lui semble être plusieurs épaisseurs de couvertures. Il continue d’avoir froid, mais peut-être un peu moins. Non, c’est sûr, beaucoup moins. Il maîtrise les tremblements ; il ne tremble plus, il s’endort ; un sommeil de rêves multiples, un sommeil épuisant, mais sommeil tout de même. Dans un rêve qu’il rêve plusieurs fois, une sorte de rêve à répétition, un corps se glisse sous les couvertures, un corps vient épouser le sien ; un corps féminin ; il ne sait pas comment il s’en doute, comment il le sait, mais il en est sûr, un corps féminin. Un corps tiède et doux, comme devraient être tous les corps féminins, contre lequel il est si bon de s’abandonner.

– De toute façon, c’est le seul lit dans cette maison ; partager, nous n’avons pas le choix. Moi aussi, il faut bien que je me repose.

– Mais le froid, le froid, n’est-ce pas contagieux ?

– Le froid, n’en parlons plus. BientĂ´t, tous les deux, nous aurons trop chaud. Il nous faudra retirer une ou plusieurs couvertures, puis nos vĂŞtements. Quand nous serons nus, l’un contre l’autre, vous serez obligĂ© d’en convenir, je suis la meilleure des infirmières.

– Tout redeviendra comme avant ?

– C’était quand, c’était comment, avant ?

Il essaye d’expliquer ; la rue ; personne ne semble le voir, personne ne semble le remarquer ; avant, c’est quand il était visible de tous. Elle éclate de rire.

– Ah, c’est cela ! Ils ne vous voient plus, et vous en concluez que vous pourriez ne plus ĂŞtre. Que vous auriez cessĂ© d’être vivant parmi les vivants.

Il avoue, oui, c’est un peu cela. Elle rit encore.

– Comment expliquez-vous que je vous voie parfaitement ? Que je vous parle ? Que je vous touche ?

– Vous pourriez possĂ©der des pouvoirs spĂ©ciaux ?

– Je possède des pouvoirs spĂ©ciaux, mais pas Ă  ce point-lĂ . Et la douleur, et le froid, comment expliquez-vous que vous les ressentiez toujours ?

Il n’a pas d’explication. Il se trouve propulsé dans un monde différent, qu’il ne s’explique pas.

– Vous faites fausse route. C’est vrai, ils ne vous voient pas, ou plus exactement, ils ne vous voient plus. Mais cela n’a rien Ă  voir avec vous, ce n’est pas vous qui avez changĂ©, c’est eux. Ils ne vous voient plus : c’est qu’ils ont Ă©tĂ© appris comme cela !

– Je ne comprends pas.

– Tout ce qui s’approche, peu ou prou, de l’issue fatale, tout ce qui n’est pas beau, jeune, bronzĂ©, dynamique, en parfaite santĂ©, ils ont appris, on leur a appris, Ă  ne plus le voir… les malades en phase terminale, les dĂ©sespĂ©rĂ©s, les pauvres, les sans-dents, les handicapĂ©s, et bien sĂ»r, et je dirais, en prioritĂ©, les personnes âgĂ©es. « Ne les voyez pas, ce sont des inutiles ! Ils ne sont pas seulement inutiles, ils vous ruinent, ils ruinent votre quotidien ! » Au dĂ©but, cela ne s’est pas fait sans mal. Condamner Ă  la disparition les malades ou les vieux des autres, d’accord, mais Ă  l’exclusion de ses proches. Puis, profitant de la pandĂ©mie qu’ils avaient eux-mĂŞmes contribuĂ© Ă  dĂ©velopper, les pouvoirs publics ont usĂ© d’un artifice imparable : c’est ainsi que les personnes âgĂ©es se sont trouvĂ©es dĂ©finitivement isolĂ©es, coupĂ©es du monde des vivants, morts avant leur mort, tout cela, pour leur bien, c’est l’évidence, pour les mettre Ă  l’abri de tout risque  de contamination… pour n’importe qui, l’isolement complet conduit au dĂ©sespoir, et le dĂ©sespoir Ă  la mort, et c’est exactement ce qui commençait de se produire dans les Ă©tablissements de relĂ©gation. Pas assez vite, cependant, au goĂ»t des pouvoirs publics ; qui ont alors donnĂ© l’ordre d’accĂ©lĂ©rer les choses en s’aidant de l’administration discrète de substances mĂ©dicamenteuses mortelles. Aucun risque, tout se passait Ă  l’intĂ©rieur du plus complet isolement, Ă  l’exception de quelques infirmières exĂ©cutantes qui ignoraient le plus souvent ce qu’elles Ă©taient en train de faire. Loin des yeux, loin du cĹ“ur, tout Ă©tait fait en sorte que les familles des condamnĂ©s oublient peu ou prou leurs parents ainsi maintenus dans leurs prisons de maladie ou de vieillesse ; Ă  la vĂ©ritĂ©, morts ou vifs, quelle diffĂ©rence ? Plus tard, le pli s’est trouvĂ© pris : mĂŞme plus besoin d’enfermer ou d’isoler les fins de parcours, elles Ă©taient devenues ce que tu as constatĂ© pour toi-mĂŞme : parfaitement invisibles ! Une simple rĂ©alitĂ© humaine, qui date de la nuit des temps : pour la plupart d’entre nous, nous ne sommes capables de voir que ce que nous avons appris Ă  voir, et nous ne voyons plus ce que nous avons appris Ă  ne plus voir. Vous avez atteint l’âge oĂą ils ont appris Ă  ne plus vous voir, et rĂ©ellement, ils ne vous voient plus. Avez-vous de la famille ?

Il ne sait que répondre ; c’est oui et c’est non ; ses enfants, d’eux-mêmes, ils ne l’appellent jamais. C’est comme s’ils l’avaient oublié. Au moins un peu. Ses petits enfants ? La plupart d’entre eux, il l’a constaté, ne savent même pas son prénom. Quelle famille ? Qui viendra pleurer sur sa tombe ? Il s’en rend compte, d’autres vieux comme lui, s’il en reste, s’ils ne sont pas déjà morts. Et c’est tout.

Mais tout de mĂŞme un espoir : l’autobus ! Comment l’autobus s’y est-il pris pour ne pas le percuter, s’il n’a pas, d’une façon ou d’une autre, changĂ© de rĂ©alité ? Une nouvelle fois, la femme rit.

– Automatique ! Les accidents coĂ»tent trop cher : constats, retards, mains courantes, tĂ©moignages, autopsies, expertises, jugements… Tous les autobus de la ville sont Ă©quipĂ©s d’un système anticollision automatique extrĂŞmement performant : un Ă©quipement chinois de haute technologie. Le chauffeur ne vous a pas vu, il n’était d’ailleurs certainement pas Ă  son volant ; la plupart des chauffeurs ne conduisent plus, ils se tiennent le plus près possible des portes, pour ĂŞtre les premiers Ă  s’enfuir en cas d’agression ; ou encore, ils sont seulement occupĂ©s Ă  importuner les jolies filles quand celles-ci portent des jupes courtes. Ce qui est dĂ©sormais le cas le plus frĂ©quent.

– Il y a tout de mĂŞme quelque chose que je ne comprends pas : depuis toujours, une sorte de considĂ©ration instinctive a guidĂ© le comportement des jeunes gĂ©nĂ©rations : cette Ă©vidence que le traitement infligĂ© aux aĂ®nĂ©s sera exactement le leur, le moment venu.

– Un argument du passĂ©. Parfaitement efficace, gĂ©nĂ©ration après gĂ©nĂ©ration, depuis l’âge de pierre. Mais qui ne vaut plus rien dĂ©sormais. Les gourous de tĂ©lĂ©vision, journalistes, mĂ©decins, spĂ©cialistes, hauts fonctionnaires, ministres, le disent et le rĂ©pètent : la maladie, la mort, la vieillesse, c’est fini. DĂ©sormais, l’homme est entrĂ© dans le transhumanisme, oĂą il est immortel ; il suffit d’appliquer Ă  la lettre les recommandations du ministère de la vie Ă©ternelle : un carnet de vaccination bien Ă  jour, le strict respect des recommandations mĂ©dicales et sanitaires, fruits et lĂ©gumes Ă  chaque repas, masques, exercice physique  rĂ©glementaire,  vie sexuelle multiple et diversifiĂ©e, obligation de n’écouter que les mĂ©dias officiels, Ă  l’exception de tous les autres, avoir tous ses passes en permanence Ă  jour, et comptant le plus grand nombre de points ; ne vieillissent et finalement ne meurent que les irrĂ©ductibles du temps dĂ©passĂ©, les ennemis de la science, des vaccinations expĂ©rimentales, les incorrigibles nostalgiques des Ă©poques arriĂ©rĂ©es. Ceux- lĂ , mais ceux-lĂ  seulement continuent de vieillir, voire de mourir. Mais comment les plaindre ? Ils ont creusĂ© leur tombe ! En restant sourds aux injonctions gouvernementales, ils se sont eux-mĂŞmes exclus de la communautĂ© des bien-pensants et bien-portants.

– Mais tĂ´t ou tard, la vĂ©ritĂ© va finir par Ă©clater. Les gouvernements n’y changeront rien, les gens vont continuer de vieillir, d’être malades et de mourir !

– Les totalitaires mondialistes s’en doutaient, mais la pandĂ©mie le leur a dĂ©montrĂ© : la vĂ©ritĂ© n’a aucune importance, tout simplement parce qu’elle n’existe pas. Les peuples sont si facilement rendus aveugles et sourds. Les personnes vaccinĂ©es continuent de mourir comme les autres, non, plus que les autres ? Des gens meurent après avoir Ă©tĂ© vaccinĂ©s ? Les malades les plus nombreux se trouvent du cĂ´tĂ© des vaccinĂ©s ? La vaccination n’empĂŞche mĂŞme pas les formes graves, la mort y comprise. Une seule solution : encore plus de vaccination, ont rĂ©pĂ©tĂ© les totalitaires mondialistes. Tous les ans, non, tous les six mois, non, tous les mois, sinon tous les jours pour une protection inutile et parfaite. Mieux encore : non seulement, il est dĂ©sormais prouvĂ© que les vaccinĂ©s tombent beaucoup plus souvent malades que les non-vaccinĂ©s, pire, on a dĂ©couvert qu’ils transmettent la maladie, y compris si eux-mĂŞmes ne l’ont pas ou pas encore dĂ©veloppĂ©e. Rien n’y fait, rien : tous ont continuĂ© de croire, tous, ils ont continuĂ© de courir vers les seringues, de se battre pour de nouvelles injections. Plus, on les a entendus dire et rĂ©pĂ©ter : « Je suis vaccinĂ©, revaccinĂ©, survaccinĂ©, et je suis tombĂ© malade ! Je ne pouvais pas, tout de mĂŞme, me faire vacciner plus ! » Eh bien souvent, c’est vrai, ils ne pourraient pas se faire vacciner plus. Aujourd’hui, tu as raison, les gens vieillissent et continuent de mourir ? Mais personne ne se dit : on nous a peut-ĂŞtre menti, nous n’avons pas gagnĂ© la vie Ă©ternelle. C’est le contraire : tous rĂ©pètent Ă  l’envi : « Nous n’avons sans doute pas assez bien obĂ©i, nous avons pĂŞchĂ©, nous sommes punis comme nous le mĂ©ritons ! »

Ils rĂ©citent : « La science, c’est la science, la science ne trompe pas ! » C’est vrai, il n’y a pas, il n’y aura jamais de vie Ă©ternelle, nous sommes programmĂ©s, tous, pour en finir tĂ´t ou tard. Mais les imbĂ©ciles du système, manipulĂ©s comme du bĂ©tail, dressĂ©s comme singes savants, enfermĂ©s dans des logements Ă  l’isolation parfaite, prennent pour certitude la parole publique, alors que celle-ci devrait ĂŞtre dĂ©finitivement dĂ©considĂ©rĂ©e, prise pour ce qu’elle est en dĂ©finitive, un mensonge d’états. Ce qu’il y a de pire. Toujours froid ?

– Non, plus du tout.

C’est vrai, il a cessé de souffrir du froid, il est presque confortable.

– Est-ce que tu dors ? Est-ce que tu rĂŞves ? Est-ce que tu m’entends ?

Est-ce qu’il sait ? Est-ce qu’ils ne se vouvoyaient pas ? Ou bien de faux vous, qui cachaient de vrais tu ? Je t’entends ? Oui, je t’entends. Est-ce que pour autant je comprends ce que tu dis ? L’épuisement : dĂ©sormais, les mots ne font plus que glisser Ă  la lisière de sa conscience. Ils n’y pĂ©nètrent plus. Est-ce qu’il dort ? Politesse et courtoisie, il lutte, il ne veut pas dormir. Il semble qu’il entend :

– Est-ce que tu as faim, est-ce que tu voudrais manger quelque chose ? Je suis comme tout le monde, je n’ai pas grand-chose, il n’y a plus rien dans les magasins, ou ce qu’on y trouve encore est Ă  des prix que seuls les politiques et les hauts fonctionnaires peuvent payer. Mais je trouverai bien quelque pomme ou un reste de pain.

Il remercie, mais non, il est trop fatiguĂ©, il n’a pas faim. Continuant de se dĂ©fendre contre le sommeil, il interroge :

– Ton mari. De quoi, comment est-il dĂ©cĂ©dé ?

– Comme tant d’autres Ă  prĂ©sent. AssassinĂ©.

– Il s’est fait vacciner ?

– Non. Une forte tĂŞte. Moi, je suis vaccinĂ©e « papier ». Un mĂ©decin comprĂ©hensif a piquĂ© le bras… de mon fauteuil. Ça coĂ»te cher, mais cela valide le passe sanitaire, tout en supprimant les risques, dĂ©sormais bien Ă©tablis, de la vaccination. Mon mari aurait pu, lui aussi, profiter de cette bonne adresse. D’ailleurs, et c’est bien lĂ  le plus Ă©tonnant, l’adresse, c’est lui qui l’avait trouvĂ©e, je ne sais mĂŞme plus comment. Mais, forte personnalitĂ©, il faisait de son refus de la vaccination une question de principe ; mentir, faire semblant, ce n’était pas lui ; il n’avait pas seulement des convictions, il entendait les afficher ! Ou tout au moins, il refusait de les maquiller. Pas vaccinĂ©, sans passe, il ne pouvait plus aller nulle part. Mais il sortait tout de mĂŞme, Ă  peu près tous les jours, et sans beaucoup de discrĂ©tion. Bien sĂ»r, ce qui devait arriver a fini par se produire. Hasard ? DĂ©nonciation de voisinage ? Il a subi le contrĂ´le d’une patrouille sanitaire. « Votre passe ! » lui ont-ils demandĂ©. Des tĂ©moins me l’ont rapportĂ©, il a ri au nez des patrouilleurs. Bien sĂ»r qu’il n’avait pas de passe. Sortir sans passe, c’est une amende. Mais les hommes de cette patrouille Ă©taient particulièrement vindicatifs. Ils avaient le matĂ©riel nĂ©cessaire, ils ont dĂ©cidĂ© de vacciner mon mari sur le champ, dans la rue, de grĂ© ou de force. De grĂ©, pas question pour mon mari, bien entendu. Alors ce sera de force. Il a essayĂ© de se dĂ©fendre. Mais il a Ă©tĂ© jetĂ© au sol, avec une grande violence. Les tĂ©moins me l’ont dit, il est possible que mon pauvre mari se soit trouvĂ© assommĂ© sur le champ. En tout cas, au sol, il ne rĂ©agissait plus. « Mettez- lui deux doses, une dans chaque bras » a ordonnĂ© celui qui paraissait le chef. La personne qui procĂ©dait Ă  la vaccination Ă©tait une femme, peut-ĂŞtre une infirmière. Elle a semblĂ© marquer une sorte de rĂ©ticence Ă  injecter deux doses. Mais son chef, quasi hystĂ©rique, a hurlĂ© : « Les ordres sont les ordres ! Si ce salopard ne voulait qu’une seule dose Ă  la fois, il n’avait qu’à se faire vacciner de lui- mĂŞme ! Deux doses, une dans chaque bras, ce sont les ordres et c’est aussi mon bon plaisir ». Sans pitiĂ©, sur le champ, sur l’asphalte… On me l’a ramenĂ©, sur une civière, inconscient. Il ne s’est jamais rĂ©veillĂ©. Trois jours plus tard, en dĂ©but de soirĂ©e, cessĂ© de respirer. La chute ou le vaccin, on n’a pas pu savoir. J’ai voulu savoir. Nous avions un ami avocat. Comment obtenir une autopsie ? Pas simple, il faut passer par un juge. Mais dans ces circonstances, quel juge acceptera d’intervenir ? Je pleurais, je pleurais sans cesse, notre ami a fini par cĂ©der, il a cherchĂ©, il a trouvĂ© un juge. Le juge a ordonnĂ© l’autopsie. « Mais, j’en suis presque sĂ»r, ça ne donnera rien. » Des fonctionnaires sont venus rĂ©cupĂ©rer la dĂ©pouille. Le pire souvenir de ma vie. L’impression qu’on m’arrachait ce qui me restait de moi-mĂŞme. Je ne pouvais m’empĂŞcher de hoqueter de chagrin. Les fonctionnaires ont montrĂ© des sentiments de fonctionnaires ; complète indiffĂ©rence ; vous devez signer ici. J’ai signĂ© sans voir et sans comprendre ; on m’a reprochĂ© mes larmes qui sont venues souiller le document administratif. Quelques jours, plus tard, convocation chez le juge. J’y suis allĂ©e seule, mon ami avocat ne pouvait se libĂ©rer. Le juge, glacial, hostile. Il a lu. Les causes du dĂ©cès, aucun doute possible, une malformation du ventricule gauche. Mon mari, grand sportif, dans la force de l’âge, pratiquait le judo plusieurs fois par semaine. Ă€ aucun moment le moindre signe de dĂ©faillance cardiaque, de toute sa vie. Une malformation jamais dĂ©tectĂ©e par personne. Impatience du juge, le rapport du lĂ©giste ne laisse aucune place au doute et ne saurait ĂŞtre contestĂ©. Mais la chute ? La double vaccination ? ExaspĂ©ration paroxystique de l’homme de loi, ton menaçant : qu’essayez-vous d’insinuer, Madame ! Je prĂ©fère vous mettre très sĂ©rieusement en garde, votre insistance Ă  tenter de mettre en cause les fonctionnaires de l’état est insupportable, vous ĂŞtes en train d’entrer en complotisme ! « Exactement ce que je craignais », m’a dit plus tard mon ami avocat. « Le rapport disculpe dĂ©finitivement l’état de toute implication, de toute responsabilitĂ©, le lĂ©giste a produit ce pour quoi il avait Ă©tĂ© sollicitĂ©. Aucune chance de trouver un autre juge pour une autre expertise. » Le pire, je n’ai jamais rĂ©cupĂ©rĂ© le corps de mon mari. Je n’ai pu voir et accompagner que son cercueil, dĂ©jĂ  sous scellĂ©s. « Bien sĂ»r, m’a dit l’avocat, ils veulent absolument Ă©viter le moindre risque de contre-expertise, pourtant tellement improbable. Cette histoire de ventricule, imparable, mais fragile, ils veulent empĂŞcher quiconque d’aller y voir de trop près. Tu vois, c’est cela notre monde dĂ©sormais. Depuis toujours, les Ă©tats contre les sociĂ©tĂ©s, c’est dans la nature des choses. DĂ©sormais, la lutte entre les Ă©tats et les sociĂ©tĂ©s est dĂ©finitivement perdue par ces dernières ; les Ă©tats ne craignent plus rien d’elles. Or, quelle organisation malfaisante peut survivre sans ennemi Ă  dĂ©truire ? Plus de sociĂ©tĂ©s, les Ă©tats s’en prennent dĂ©sormais aux individus. Celui qui dit non, ou qui donne seulement l’impression de dire non, celui-lĂ  est dĂ©sormais insupportable aux hommes du système, celui-lĂ , impitoyablement, il doit ĂŞtre Ă©liminĂ©. Ton mari, cet homme courageux, a tentĂ© de dire non. Insupportable pour les hommes de l’état ».

Ils entendent une sonnerie.

– C’est la porte, dit la femme. Quelqu’un sonne Ă  la porte. Ă€ cette heure, cela ne peut rien signifier de bon. J’ai envie de ne pas rĂ©pondre.

Bruits violents venant de l’extérieur. Puis des coups sur la porte.

– Ils ont forcĂ© la porte de la cour. Des fous !

– Police, ouvrez ! Ne faites pas semblant, nous savons que vous ĂŞtes lĂ , ouvrez immĂ©diatement, ou nous forçons aussi la porte de la maison.

– Je suis couchĂ©e, crie la femme ! Je passe un vĂŞtement et je descends !

Puis elle s’adresse Ă  lui :

– Toi, ne bouge pas, sous aucun prĂ©texte ; je vais tenter de les calmer. S’ils montent, je leur dirai que tu es malade et intransportable.

La femme descend, ouvre la porte. Au moins dix hommes envahissent l’étroite cuisine.

– Vous avez Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©e. Vous pratiquez la prostitution !

– Vous ĂŞtes fous ? Bien sĂ»r que non ! Et quand bien mĂŞme, cela ne vous concernerait pas, ce n’est pas interdit !

– Ce n’est pas interdit de se prostituer. Mais gĂ©nĂ©rer des troubles de voisinage, si. Et puis, peu importe, il est de toute façon interdit Ă  vos clients d’acheter vos services ! Des voisins, bons et honnĂŞtes citoyens, vous ont vue introduire un homme ici. Ils ont mĂŞme pris des photos. Votre client, c’est lui que nous voulons, oĂą est-il ? Ou vous nous le donnez, ou nous allons fouiller, et nous le trouverons. Et franchement, pour le confort de votre intĂ©rieur, je vous conseille de choisir la première solution.

La femme garde le silence. La cuisine est vite inspectée. Rien.

– Nous allons monter Ă  l’étage !

– Si vous montez tous, j’ai bien peur que mon pauvre plancher n’y rĂ©siste pas. Moi, je n’aurai plus de plancher, mais vous, cela vous fera une belle chute.

Celui qui paraît être le chef désigne les deux plus jeunes du groupe.

– Montez, ordonne-t-il. Ne laissez rien passer. Appelez si vous avez besoin d’aide.

Les hommes montent. L’armoire, la petite salle de bain, le dessous du lit… Pour finir, ils soulèvent la couverture. Rien, ils ne voient rien.

– Personne lĂ -haut, chef.

– Nos informateurs n’ont pas la berlue, ils ne nous auront pas dĂ©rangĂ©s pour rien. Le client a dĂ» s’enfuir.

– Oui, mais comment ? Une seule ouverture, ici, deux fenĂŞtres en hauts, mais donnant toutes les deux sur la cour. Si quelqu’un s’était enfui, nous n’aurions pas pu ne pas le voir.

– Chef, l’informatrice n’était pas complètement sĂ»re d’elle. Que Madame fasse commerce de ses charmes, tout le voisinage le pense. De toute façon, quels seraient ses autres moyens de subsistance ? Mais pour cette fois-ci, l’informatrice n’était pas affirmative. Elle a bien vu Madame rentrer chez elle, et il lui a semblĂ© deviner comme une ombre Ă  ses cĂ´tĂ©s, elle se sera trompĂ©e, voilĂ  tout.

– De quoi te mĂŞles-tu, toi ? Ton avis, tant que je ne te le demande pas, tu le gardes pour toi !

Finalement, ils finissent par partir, mĂ©contents. Inhumains. Cependant, celui qui avait osĂ© mettre en doute la dĂ©nonciation, ayant fait en sorte de sortir le dernier, glisse :

– Excusez, Madame, pour le dĂ©rangement.

Haussement d’épaules : que changent les excuses ? La femme pousse la porte de la cour, et bloque comme elle le peut cette dernière avec une chute de bois, ferme la porte de la maisonnette, et remonte dans la chambre.

– Deux dĂ©fis Ă  relever demain ; trouver un artisan pour rĂ©parer la porte, et l’argent pour payer l’artisan. Autant dire, aujourd’hui, deux missions impossibles.

– Le minimum serait que les hommes de l’état soient dans l’obligation de rĂ©parer les dĂ©gradations dont ils sont les auteurs.

– Cela, c’est ce qui devrait se produire dans un monde parfait.

– Un monde parfait serait un monde sans Ă©tats et donc sans hommes de l’état. Selon toi, les policiers qui ont soulevĂ© le drap ont-ils fait semblant de ne pas me voir ?

– Je ne sais pas. Tu n’es en rien conforme Ă  ce qu’ils recherchaient. Ils t’ont peut-ĂŞtre vu, mais ils ne t’ont pas reconnu. Et donc, ils ne t’ont pas vu. Comme les passants dans la rue, ou le chauffeur du bus.

– Et toi, pourquoi, comment me vois-tu ?

– Je me suis battue pour cela. Pour garder mon humanitĂ©. Tu l’auras remarquĂ©, ni radio ni tĂ©lĂ©vision dans ma maison, et je m’interdis les journaux. Leur propagande, leurs mensonges, leurs assourdissantes contre-vĂ©ritĂ©s, leurs messages de peur et de terreur, leurs discours abrutissants ne passent pas au-dessus de moi, ils sont en dehors de mon univers. Bien sĂ»r, il y a une rançon Ă  cette fière attitude, il y a toujours une rançon Ă  payer. La solitude. Une extrĂŞme solitude. Je croise mes voisins, nous Ă©changeons des saluts, mots vides, je dis oui, je dis non, je ne dis rien, Ă  quoi bon parler quand on n’a plus rien Ă  Ă©changer, rĂ©sidu de charabia social, voilĂ  pourquoi je suis tellement contente que tu sois lĂ , je t’en supplie, ne pars pas bientĂ´t, ne me laisse pas seule trop vite !

– DĂ©sormais, ce monde, leur monde, est seulement une impasse, au sein duquel les esprits libres n’ont plus rien Ă  faire. J’y suis un Ă©tranger, sans espoir de retour. Fuis ! Fuis-moi tant qu’il en est encore temps !

– Tant qu’il est encore temps ?

– Si tu restes, ils vont finir pas nous confondre. Alors, ils te rejetteront comme ils me rejettent, et tu ne pourras pas revenir en arrière.

– Je ne veux pas fuir. Ils me font horreur, autant qu’à toi. Ils ne me rejettent pas, c’est moi qui ne veux plus d’eux. Il est tard, il fait froid, tu es Ă©puisĂ©. Patiente. Je descends nous prĂ©parer une tisane douce, de ma composition. Nous la boirons ensemble. Et puis nous nous endormirons pour un très long sommeil oĂą nous pourrons les oublier Ă  tout jamais.

Et c’est exactement ce qu’ils firent, dans la plus complète harmonie. Parce que, de toute façon, il n’y avait plus rien d’autre à faire.

Bormes les mimosas, 5 août 2023

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