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8 novembre 2023

David, le héros du roman « Crépuscule des dépravés » est formel : Emmanuel Macron est un véritable homme d’état.

Mon dernier roman, « le crépuscule de dépravés » : beaucoup de commentaires tout à fait positifs. Tout ce qu’il faut pour mon ego.

Trop ? Voire ! Et si tel avait été le cas, quelques critiques beaucoup moins favorables, pour ne pas dire franchement massacrantes, seraient venues, finalement bien à propos. Jugez vous-même !

« Votre roman critique le président Macron ! Une critique qui n’a rien à faire dans un roman. »

Immédiatement je suis revenu à la version numérique du livre, et je suis donc formel, le nom de Macron n’est pas présent dans l’ouvrage.

Mais c’est vrai, l’un des personnages, du nom de David, a l’audace de prononcer au cours d’une conversation : « En France, la majorité de la population ne cesse de s’appauvrir, mais pendant ce temps, le couple présidentiel se construit une piscine dans une résidence où il ne se rend que quelques jours par an, et dépense pour renouveler la vaisselle de son palais élyséen le prix d’une belle propriété pour qui n’appartient pas au sérail. »

Cinq lignes, rien d’autre. Peut-on condamner deux années de travail pour cinq lignes ?

Un auteur respectueux de ses personnages se garde de parler à leur place, et j’ai donc transmis la critique à David, lui laissant le soin de se défendre s’il le voulait, et comme il le voulait. Un contact plus difficile à établir qu’il n’y paraît d’abord, puisque le lecteur allé jusqu’au bout de l’ouvrage sait qu’il ne peut s’agir que d’une conversation d’outre-tombe. Difficile certes, mais réalisé cependant et voici ce que nous dit David :

« Je n’ai pas prononcé le nom d’Emmanuel Macron pour une raison bien simple : ce personnage, en tant que tel, n’a rien à voir avec mon propos.

Il y a plus de cinquante ans, Pierre Clastres l’a magnifiquement démontré : Il me semble que loin que l’État soit l’instrument de domination d’une classe, donc ce qui vient après une division antérieure de la société, c’est au contraire l’État qui engendre les classes.

Ce ne sont pas des hommes qui produisent l’état, c’est l’état qui produit les hommes d’état.

Et personne ne discutera, et en tout cas pas moi, qu’Emmanuel Macron soit un parfait homme d’état. Je dirais même plus, une perfection d’homme d’état.

Remplacez Emmanuel Macron : rien ne changera. Voilà pourquoi, Madame, les gens du peuple ne vont pas voter.

Quand il y a état, il y a fracturation de la société. D’un côté, la classe dirigeante des hommes de l’état et leurs complices. De l’autre, le peuple.

Dès qu’une entreprise humaine mobilise plus de deux personnes, il faut bien qu’il y ait un leader. Qu’est-ce qu’un leader ? Une personne qui se débrouille pour fédérer une équipe (deux, dix, ou autant d’individus que vous voudrez) derrière un projet. Dès que le projet ne fédère plus, ou plus suffisamment, il meurt de sa mort naturelle.

La classe des hommes de l’état est une classe administrative. Aucun souci de fédérer. Les administrés n’obéissent pas parce qu’ils adhèrent à un projet, mais parce qu’ils n’ont pas le choix. Toute la force de l’état pour les y contraindre.

Le fondement de toute organisation administrative est d’accroître sans cesse sa puissance et son autorité.

Jusqu’à une période récente, il existait deux limites à la croissance perpétuelle administrative. Le risque d’une révolte populaire, nécessairement non pacifique pour être efficace. Et le fait que la classe dirigeante avait un peu besoin du peuple pour assurer son confort de vie.

Aujourd’hui, la classe dirigeante est persuadée que ces limites appartiennent au passé. L’intelligence artificielle et la robotisation non seulement rendent très improbables une révolte populaire, mais permettent d’envisager un monde au sein duquel le peuple n’a plus d’utilité. Celui-ci devra disparaître, ou à défaut, connaître une réduction numérique d’importance.

L’état contre la société : hier, une opposition formelle. Désormais, une lutte bien réelle. Une lutte dont jusqu’à présent une seule des deux parties a réellement conscience. »

Je laisse à David l’entière responsabilité de ses dires : oui, il n’a pas changé. Lucide, déterminé, intrépide. Le lecteur se rassure : le combat de David n’est pas contre un homme, mais contre un système. Les hommes contre un système, le système ne peut que vaincre. Ce qui se produit aussi dans mon roman.

En apparence tout au moins.

Comme dans mon roman.

Maintenant, il me prend envie de poser une question à David : quoi qu’on puisse en penser, il faut bien qu’il y ait un état, un état limité, si possible, mais un état tout de même. Vous aussi, vous aimeriez poser cette question ? Si vous le souhaitez, je peux tenter d’interroger David… Maintenant voudra-t-il répondre ?

Bormes les mimosas, novembre 2023

1 Commentaire

  1. Mandereau

    La réponse de David est aussi géniale que le roman qui raconte son histoire!
    Bravo

    Réponse

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