/Opinions eclairées

9 juin 2014

Tiens, comme c’est bizarre, la courbe du chômage n’obéit pas au président !

Avril : les chiffres du chômage sont mauvais. Tout le monde fait semblant de s’étonner : tout cela, malgré l’action si volontaire de notre gouvernement ?

L’action, quelle action ? En tout cas, le « petit patron » qui signe cet article, d’action, il n’a rien vu venir. C.I.C.E. et tout ce qu’on voudra comme barbarismes en plus, jusqu’à ce jour, les relevés mensuels de mon cabinet comptable ne laissent aucune illusion : les charges sociales dans mon entreprise, comme les autres taxes, continuent, inexorablement, leur désespérante croissance.

Et sauf à subir une injustice scandaleuse à laquelle je ne crois guère, il y a fort à parier que ce qui est vrai chez moi doit l’être aussi chez les autres…

Normal me direz-vous : toutes les mesures si généreusement claironnées ne seront mises en application que d’ici 2017. Dans trois ans ? Combien d’entre nous seront morts dans trois ans ? Combien, plus pessimistes, se seront réfugiés sous des cieux moins cruels ? (Souvenez-vous de cette plaisanterie de Woody Allen : les Juifs pessimistes en 1939 ont fui l’Allemagne et sont devenus milliardaires à New York… ; les optimistes…)

Autre question : si une mesure doit avoir un aspect positif, pourquoi donc attendre si longtemps ? Pourquoi ne pas la prendre maintenant ?

Mais il paraît que notre président et son soudain bien silencieux premier ministre dialoguent avec les « entrepreneurs » ! Ah bon ! Quels entrepreneurs ? Le président du Medef. Le président du Medef ? Mais pour quoi faire ?

Mais parce que c’est très clair : on baisse les charges pesant sur les entreprises, ces dernières font exploser les embauches !

Exploser les embauches ? Qui cela ? Les entreprises du Medef ? Ce syndicat des salariés dirigeants de (très) grandes entreprises ? Et quelqu’un a fait semblant de croire une pareille billevesée ?

Car il n’y a que deux hypothèses : ou bien les grandes entreprises font ce que font toutes les grandes entreprises dans le monde, c’est-à-dire qu’elles continuent de réduire l’emploi salarié, ou bien elles ne le font pas, et elles seront rapidement laminées par celles qui le font.

Mais vous dites n’importe quoi ! Aux États-Unis, beaucoup d’entreprises rapatrient les usines qu’elles avaient délocalisées hier !

C’est vrai. Pour deux raisons. La première est que l’énergie américaine est devenue en quelques mois la moins chère du monde : merci les gaz de schistes américains. Mais de ce côté-là, et sans doute pour longtemps encore, rien à espérer des schistes français. Et la seconde, ce sont… les robots ! Les usines reviennent, mais ce sont des usines vides ! Mille salariés y sont remplacés par cent robots et… une petite poignée de surveillants et de « techniciens de surface ». Des « créations d’emplois » ? À oublier !

Et quoi qu’elles puissent promettre par ailleurs, nos grandes entreprises, à leur tour, n’auront pas d’autre choix, les dirigeants du Medef, comme les dirigeants du pays, le savent parfaitement : les investissements les plus rationnels créeront des robots, pas des emplois !

Les grandes entreprises : moins de 30 % de l’emploi, un pourcentage destiné à se réduire inexorablement. Mais tout l’effort de notre gouvernement porté uniquement sur cet étroit secteur ! Pour le reste ? Pour le reste, rien.

70 % du potentiel d’emplois totalement occulté par tous.

70 % du potentiel d’emplois, pour lesquels le coût réel de l’emploi (salaires et charges) n’est qu’un paravent ! Le vrai problème, répétons-le, redisons-le, rappelons-le, ce n’est pas le coût de l’emploi, mais le coût de sa rupture, en réalité insupportable, hors de portée des chiffres d’affaires et des marges des entreprises moyennes et petites.

C’est une question évidente de bonne gestion : si je ne peux pas licencier, je ne dois pas embaucher.

Bien entendu, j’entends, vous entendez, le corps des pleureuses indignées : précarisation des travailleurs, à la merci de la cupidité cruelle de « petits chefs » en mal de pouvoir… Bon, bon… comme tous les autres patrons, je vais continuer de me taire… Mais vos belles promesses, Messieurs les politiques, les tiendriez-vous, ce dont je doute fortement, que je ne suis pas prêt de les prendre en compte.

C’est que l’on peut contraindre les patrons à n’embaucher que dans le cadre de votre « code du travail ».

Mais on ne peut pas (pas encore ?) les contraindre à embaucher.

Paris, le 9 juin 2014

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