Dans mon billet précédent, j’ai rappelé que les inégalités n’existaient pas dans les sociétés sans état (plus de 99 % de l’histoire de Sapiens), sociétés dites « primitives ».
Notre imaginaire collectif est profondément marqué de darwinisme : au début était le « chasseur-cueilleur », nomade par essence, puis vint l’agriculteur semi-nomade et la culture sur brûlis, suivi de l’agriculteur définitivement sédentaire, avec bien sûr, tôt ou tard, l’apparition d’une société hiérarchisée. Et désormais, pour tout un chacun, hiérarchie et progrès sont indissociables.
Et si ce n’était là que l’apparence de la vérité ?
Dans son livre « Chronique des Indiens Gayakis » (1972), Pierre Clastres (encore lui) a fait entre autres une révélation, largement passée inaperçue ou peut-être volontairement occultée.
Ces Indiens, dont il a partagé le quotidien, vivaient bien comme des chasseurs-cueilleurs nomades, mais pour autant, ils n’ignoraient rien de l’agriculture ! Chez ces peuples de la forêt amazonienne, l’état d’agriculteurs avait précédé et non suivi l’état de chasseurs-cueilleurs !
Mais pourquoi ce parcours qui nous paraît surprenant, pour ne pas dire aberrant ?
Pour une raison simple et déterminante : ces sociétés avaient en commun de refuser le pouvoir, nous l’avons dit. C’est-à-dire le tribut, car il n’y a pas de domination sans tribut, le tribut (l’impôt) est la matérialisation de la domination d’un individu sur un groupe, ou d’un groupe sur un autre.
Dit autrement, ces sociétés ne sont pas primitives, parce qu’elles n’ont pas (encore) découvert l’agriculture, mais parce qu’elles sont le fait d’individus qui ont préféré au tribut un mode de vie dont l’inconfort nous donne l’illusion qu’il serait primitif.
Liberté ou civilisation ? Faut-il choisir ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre mes romans, et notamment « Chants libres ». Je vous propose d’en reparler plus tard.
7 février 2017
Très bien vu !
Très juste en effet… Et il est vrai que la lecture de chants libres est une réponse très complète aux problèmes que posent les sociétés dites civilisées. Une réponse aussi pertinente que séduisante… Et c’est une lecture qui procure de plus un plaisir ineffable !