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27 février 2024

Civilisation et « loi de la jungle ».

En réponse à mon billet précédent : « Liberté ou civilisation, faut-il choisir ? », un ami m’écrit : « À mes yeux, l’apparition d’une civilisation, c’est-à-dire le contraire de la loi de la jungle, permet l’institution de la liberté. »

Soit, mais d’abord, qu’est-ce que la « loi de la jungle » ? Pour tout un chacun, c’est la loi du chacun pour soi, celle du plus fort, le moteur de la sélection darwinienne. Pauvre Kipling, qui utilise l’expression dans son « Livre de la jungle », pour désigner exactement l’opposé de cette conception : la loi de la jungle pour Kipling est au contraire un ensemble de règles que s’appliquent à apprendre et respecter les animaux des jungles d’Inde.

Civilisation et "Loi de la jungle"

Plus étonnant : l’éthologie moderne établit que la loi de Kipling, loin d’être une vision poétique, est au contraire une règle absolue du monde animal. Exemple : les sociétés de chimpanzé. Hier, on y voyait un mâle dominant régnant sur un parterre de femelles soumises. Tout faux. Chez les chimpanzés, les femelles font la loi, les mâles sont seulement des invités plus ou moins tolérés.[1]

Mais revenons à nous, qui nous croyons humains : Charles Gave vient de faire paraître « La vérité vous rendra libres », où il essaye de répondre à cette question : « … mais que s’est-il produit en un peu plus de trente ans pour que nous soyons passés de ce qui apparaissait comme des matins qui chantent à ce crépuscule sanglant dans lequel nous nous enfonçons ? »

La civilisation, gage de la liberté individuelle, ou son pire ennemi ? L’actualité de notre monde occidental laisse perplexe. À moins que peu à peu, sans en avoir même conscience, civilisés, nous le soyons de moins en moins ?

La trilogie des chants - Michel Georgel

Les sociétés primitives que je décris dans plusieurs de mes romans sont-elles des civilisations ? On peut en discuter. Sont-elles des sociétés de liberté ? Cela oui, c’est certain : les chefs n’y ont aucun pouvoir, à l’exception du temps de guerre, et pendant le temps de guerre. En dehors du temps de guerre, personne ne commande à personne et chaque individu reste complètement libre de son destin[2].

Quel contraste avec notre monde moderne, « civilisé » ! Sait-on bien que chez nous, par exemple, le pouvoir vient de se donner les moyens de réquisitionner qui il veut, quand il veut ? Un progrès vers plus de liberté, vraiment ?[3]

26 février 2024


[1] Frans De Waal, La Politique du chimpanzé, Sexe et pouvoir chez les singes

[2] Le chef de guerre ne peut imposer sa guerre à personne : c’est librement que chacun décide de le suivre ou non. Geronimo, l’auteur de l’une des plus grandes raclées infligées à l’armée américaine, n’a jamais pu rééditer son exploit, car par la suite, les Apaches, qui s’estimaient vengés des crimes américains, ont refusé de continuer de le suivre. Lors de son ultime expédition, le valeureux guerrier n’était plus suivi que de… deux compagnons (volontaires).

[3] Art. L. 2212-2, août 2023- « …en cas d’urgence, si la sauvegarde des intérêts de la défense nationale le justifie, le Premier ministe peut ordonner, par décret, la réquisition de toute personne, physique ou morale, de tout bien ou de tout service. »

2 Commentaires

  1. Michele Foy

    En Bretagne, les femmes sont souvent à la manœuvre ! Elles ont pris les commandes pendant que les hommes sillonnaient les mers. Le retour du marin n’était pas si facile, il fallait une réadaptation.
    La consce est où… était, un équilibre, un sentiment d’égalité, un respect mutuel, un grand sens de la liberté.
    Les ouessantines étaient Autonomes. Globalement, elles l’étaient majoritairement.
    Elles géraient les revenu. s de la famille en l’absence du marin.
    Idem chez les agriculteurs et paysans.
    J’ai mis du temps à comprendre le  » féminisme  ».
    La Bretagne n’est française que depuis 1534, et un grand pourcentage de bretons selon une étude récente. e sent breton avant d’être français.
    Pour combien de temps ?
    Quant à la liberté, je la sens en danger.
    Hugo :  » la liberté commence là où l’ignorance finit  ».
    L’éducation nationale porte atteinte à la liberté.
    Les futurs maîtres du pays sort,, iront des écoles alsacienne, Dupanloup, Stanislas et compagnie.
    Les autres se sounettront et seront de la chair à canon. Ce qui arrivé aux pauvres paysans bretons en 14-18. Suffit de lire la liste des disparus sur le monument aux morts de chaque village.

    Réponse
    • Michel Georgel

      Merci pour ce commentaire, au demeurant bien intéressant.
      A ce propos, j’aime particulièrement le roman « Les filles de la pluie » d’André Savigeon…

      Réponse

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