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30 avril 2014

Les mouches du coche

Du temps de Jean de la Fontaine, il y en avait qu’une, en tout cas une seule par coche.

Quel progrès depuis ces temps reculés ! La mouche du coche est devenue nuées… Avec cette interrogation : les mouches sont-elles plus utiles quand elles sont plus nombreuses ?

« L’emploi, l’emploi, tout pour l’emploi, nous faisons tout, tout, tout pour l’emploi », bruissent les mouches autour du carrosse que ses chevaux poussifs ne font plus avancer.

C’est que ces pauvres rosses ne sont pas seulement épuisées, elles sont en plus profondément démoralisées ! Les mouches peuvent tenir tous les discours du monde, cela ne change rien au fait que le carrosse est toujours plus lourd, et qu’aucun espoir d’allégement ne se distingue à l’horizon !

« Mensonges, buzzent les mouches, nous, les gentilles mouches, nous soulageons le carrosse, nous allégeons les charges que nous faisons peser sur les entreprises !

– Mais c’est très bien, mais c’est très mal ! » Chez le bon peuple, les avis diffèrent, sauf sur le préalable, celui de la baisse des charges : chez le bon peuple, chacun se croit fondé à croire ce que buzzent les mouches.

Mais rosses dans les brancards sont comme patrons dans leurs boutiques : ils savent trop bien que si nombreuses et si buzzantes qu’elles puissent être, les mouches n’ont ni le pouvoir, ni même la volonté, de faire avancer quelque charrette que ce soit : le seul pouvoir efficace de ces dernières étant celui de les enquiquiner un peu, beaucoup, énormément. Énormément les plus souvent.

Il faut en effet être nul en mathématiques, ou encore énarque, pour ne pas voir cette évidence que si je retire X euros de charges aux producteurs, pour accabler de ce même montant leurs clients, la quantité d’argent Q susceptible de transiter des seconds vers les premiers est égale à : Q + X – X = Q, c’est-à-dire qu’elle ne change pas d’un centime, il s’agit par conséquent d’une mesure bruyante et inutile, un buzz de… mouches, au résultat parfaitement connu d’avance.

Je vous entends d’ici : « l’export, l’export ! Si les salaires baissent en France, nos entreprises pourront exporter plus, et donc, employer plus ! Cela tombe sous le sens ! »

Un sens qui sonne comme un écho, l’écho d’autres mouches, moins nombreuses certes, mais pas moins mouches cependant, puisqu’il s’agit des mouches d’organisations qui pour être (soi-disant) patronales, n’en sont pas moins financées par les premières… cela les fait-elles réellement plus crédibles ?

À supposer, ce qui reste à démontrer, que le fait d’appauvrir l’ensemble de nos concitoyens soit de nature à enrichir nos entreprises exportatrices, qui peut croire, sérieusement, que cela diminuera significativement le nombre de nos chômeurs ? Et que celles-ci ne choisiront pas, sans doute avec bon sens, d’investir ces marges nouvelles en équipements, en robots, de nature à augmenter leur productivité ? Ce qui pourrait se traduire, non par une augmentation, mais par une diminution du nombre de leurs salariés !

Mais qui donc a un besoin, aujourd’hui, tout de suite, et sans réels investissements préalables, d’une main-d’œuvre plus nombreuse, qualifiée ou non ? Les grandes entreprises ? De qui se moque-t-on ? Les entreprises exportatrices, grandes ou petites ? Bien sûr que non ! Leurs exportations leur garantissent déjà les marges nécessaires à leurs besoins d’embauches ! Mais qui alors ? Tous les Français le savent, si les mouches politiques continuent de l’ignorer : tous les artisans, tous les commerçants, tous les patrons de petites ou moyennes entreprises, qui travaillent pour le marché national, et qui tous, sont débordés, exténués, épuisés de travail, qui tous, se trouveraient tellement soulagés de pouvoir se faire aider !

Pourquoi ne le font-ils pas ? Pourquoi n’embauchent-ils pas ? Cela aussi, tous les Français le savent ! Il suffit de le demander aux syndicats, aux conseils des prud’hommes, aux juges du « droit (!) » du travail ! Ils ne le font pas, répétons-le, répétons-le encore, même si les chances d’être entendu sont bien faibles, parce qu’ils jugent qu’aujourd’hui, les risques liés à l’embauche sont devenus excessifs, insupportables. La preuve de ce que j’avance ? Ces quelque quatre millions de petits entrepreneurs qui se retiennent d’embaucher ! Tenez : supposons seulement qu’un nouvel environnement conduise, ne serait-ce que la moitié d’entre eux à n’embaucher ne serait-ce qu’un seul collaborateur ?

 « Un nouvel environnement, que voulez-vous dire ? » Le buzz ! Les mouches, soudain surexcitées, buzzent à qui mieux mieux… Buzzent tant et si bien qu’on entend plus ni mules, ni patrons !

Mais pendant ce temps, le chariot continue de rester enlisé.

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