/Opinions eclairées

8 décembre 2014

Bon appétit, messieurs nos députés !

En ces temps où il est de bon aloi de dénoncer ou dénigrer notre personnel politique, je trouve qu’il est juste et nécessaire de reconnaître la qualité et l’utilité du travail législatif de nos députés, et c’est ce que le présent billet veut tenter de faire.

Vous le dirais-je ? Je trouve que nous avons la chance en France d’avoir des députés formidables ! Résolument indifférents au bruit de fond médiatique, ils n’ont d’autre souci que l’intérêt général, et à une époque où notre personnel politique se trouve si souvent décrié, il n’est que juste de leur rendre un peu de justice.

Jugez vous-même : le chômage augmente mois après mois, les entreprises ne cessent de se plaindre de leur environnement, au point que le grand public lui-même finit par s’y laisser prendre et dire partager très largement les thèses patronales. Mais ce n’est nullement le cas de nos députés, qui savent, heureusement, garder les yeux ouverts et leur esprit critique.

Et c’est ainsi, que grâce à ces derniers, notre arsenal législatif, mois après mois, sinon jour après jour, protège toujours mieux les salariés et les citoyens contre les agressions sournoises ou trop visibles d’une population d’employeurs inévitablement capitalistes et néolibéraux.

Quelques illustrations ? Eh bien, commençons, si vous voulez, par les dispositions qui permettent de lutter contre ce fléau national, le « harcèlement moral » (article 222-33-2 du code pénal) : 30 000 € d’amende, et deux ans de prison, voilà de quoi donner à réfléchir à nombre de patrons – tyrans. Et l’intérêt d’un tel dispositif est aveuglant : en effet, le harcèlement, ça commence quand ? Comme il est effectivement très difficile de le préciser avec certitude, voilà donc bien sagement posée sur toutes les têtes employeuses comme d’ailleurs sur celles de tous autres responsables hiérarchiques, une véritable épée de Damoclès, à la disposition de tous les mécontents.

Autre exemple : les stages en entreprise. Combien de misérables étudiants ont-ils été scandaleusement exploités sous prétexte de stages ? Heureusement, la loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 est venue mettre bon ordre à cela ! Au-delà de deux mois, le stage doit être non seulement rémunéré, et ouvrir nombre de droits, mais il doit s’inscrire dans le cadre d’un projet pédagogique précis, appuyé par conséquent sur des liasses de paperasseries variées ; pas question par exemple de confier à un stagiaire un travail quelconque qui pourrait être exécuté par un salarié de l’entreprise. Quoi d’autre, en ce cas ? Les députés ne l’ont dit à personne, et, à mon humble avis, le plus sage pour un employeur responsable est de ne pas se poser ce genre de question, et de renoncer définitivement à l’idée même de stages dans son établissement. Cela ne pourra que lui éviter bien des soucis, ce qui était à l’évidence le but du législateur. On notera d’ailleurs que les députés à l’origine de cette belle loi font partie de l’actuelle minorité : une telle clairvoyance de la part de députés dits « de droite », cela mérite d’être signalé.

Évidemment, certains esprits chagrins (et rétrogrades) viendront prétendre que les ignobles stages des temps passés permettaient aux étudiants de se mettre au moule du monde entreprise, et de finir par s’y intégrer. Quel argument spécieux ! À ce compte, pourquoi ne pas réhabiliter les moyenâgeux bizutages ?

On pourrait défendre aussi que la probabilité pour qu’une entreprise ne finisse par intégrer dans son effectif un stagiaire devenu rentable, c’est-à-dire susceptible de rapporter plus que ce qu’il coûte et pourrait coûter dans le cadre d’une éventuelle rupture, est nulle, le monde entrepreneurial étant seulement mû, comme chacun sait, par le seul appât du gain. Ce serait, il faut en convenir, une sorte de raisonnement néolibéral tout à fait méprisable, et donc à oublier sur-le-champ.

J’ai dans un précédent billet (« Remettre les dames à leur place ») démontré comment une autre disposition récente du Code du travail (article D1235-21) avait probablement vidé de toute utilité l’étape conciliation lors d’un conflit prud’homal. Les patrons ont désormais le choix : ils payent (leurs méfaits) tout de suite, ou ils payeront (encore plus) demain.

Et encore, et encore… c’est ainsi qu’aujourd’hui même on nous apprend que vingt-neuf courageux députés vont déposer un projet de loi pour faire reconnaître cette terrible maladie professionnelle, si largement répandue, qu’elle ne trouve pas de nom dans la langue française, et qu’il faut se contenter, au moins pour le moment, d’une suspecte appellation anglo-saxonne, « burn-out[3] » ! De quoi s’agit-il ? Difficile de le préciser très exactement. Un peu comme dans le cas du harcèlement ? Oui, c’est cela. Tous les jours, des salariés exténués, poussés à bout, par des employeurs toujours plus voraces, toujours plus insatiables, sombrent dans une épouvantable dépression. Ce qu’il faut désormais, c’est que la maladie soit « reconnue » et que sa prise en charge impute, et le plus lourdement possible, aux responsables et à eux seuls, une fois de plus, une fois encore, ces ignobles auteurs de la misère humaine, je veux parler encore et toujours des employeurs. Et je suis prêt à prendre les paris : une loi ne manquera pas d’être votée !

Le chômage qui ne cesse d’augmenter, l’économie de zone euro en pleine récession, quand tant d’autres vont très bien, les chrétiens de plus en plus persécutés dans de très nombreux endroits du monde, et désormais, à nos portes, la menace islamiste… même pas peur, même pas grave… le seul, le vrai danger, il est au sein des entreprises !

Les discours de notre Premier Ministre, qui (dans les pays étrangers certes, mais tout de même) dit « aimer les entreprises », aurait pu semer le doute dans les esprits. C’est qu’il ne faut pas tout confondre : on peut aimer les entreprises, peut-être, mais certainement pas les entrepreneurs ! Heureusement, nos députés, alliés en cela aux organisations syndicales, font tout ce qu’il faut, pour en faire disparaître peu à peu la race maudite. Parce que, cela tombe sous le bon sens, des entreprises sans entrepreneurs, c’est la disparition définitive du chômage ! Alors, bon appétit, Messieurs les Députés !

Paris, le 8 décembre 2014

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