Quand les patrons se plaignent, les ministres et les camarades syndicalistes répondent : « jérémiades ». Où je propose de démontrer que c’est en effet les patrons qui ont tort.
Dans un précédent billet, auquel je renvoie volontiers mon lecteur, je citais une surprenante déclaration de… Jacques Attali, dont je reprends ici un court extrait : « Ma recommandation à chacun de mes lecteurs est claire : agissez comme si vous n’attendiez plus rien du politique. Et, en particulier, comme si vous n’attendiez que le pire du nouveau gouvernement. Et pire encore des suivants, quelle qu’en soit la couleur politique. Car, plus on tardera à réformer le pays, plus il sera difficile de le faire… Concrètement, cela signifie qu’il convient de ne plus attendre… la moindre décision positive d’aucune sorte. »
Chaque fois qu’on les interroge, et même quand on ne les interroge pas, les patrons signalent les conditions épouvantables qui sont faites à leurs entreprises. Leur quotidien laborieux ; l’avenir, qui paraît détestable. « La France est proche de la mise en liquidation », dénonce Pierre Gattaz, le président du Medef (Figaro du 21 juillet dernier ».
Jérémiades répondent ministres ! Jérémiades répètent les syndicats ! Jérémiades reprend le ministre responsable du redressement productif, mais irresponsable de l’effondrement de la production, Arnaud Montebourg. Jérémiades signe-t-il dans la revue Capital de cette semaine !
Jérémiade : plainte incessante qui importune. Et qui par conséquent ne mérite aucune considération.
« Le gouvernement en a déjà tant fait pour les entreprises ! Tant de cadeaux, reprennent en chœur syndicats et partis de gauche ! Se plaindre encore ! Quelle ingratitude ! »
Eh bien moi, au risque de choquer et de décevoir, je le dis comme je le pense : ministres, syndicats, et autres politiciens de gauche, ils ont tous raison ! Les patrons feraient mieux de se taire, une bonne fois pour toutes ! En réalité, quand ils font état de leurs difficultés, ces derniers s’imaginent qu’ils pourraient être entendus. Au moins un peu. Et que de cette façon, on pourrait les soulager.
Jérémiades. Toute la réponse à cette attente est contenue dans ce mot. Il n’y a rien à attendre de ce gouvernement, pas plus qu’il n’y avait à attendre du précédent, ou qu’il n’y aura à espérer de ceux qui vont suivre. Jacques Attali a raison.
Bien sûr, on ne saurait conseiller à Monsieur Montebourg de se rencontrer seul à seul au coin de quelque bois avec l’un quelconque des cent cinquante patrons qui déposent leur bilan chaque jour, et moins encore, aux antichambres de l’enfer, avec l’un des deux entrepreneurs qui mettent, là encore chaque jour, une fin définitive à leurs soucis terrestres. Mais le risque est faible, les ministres ne font pas la folie ne se promener seuls dans les bois, et les socialistes ne croient pas en l’enfer.
Encore moins à attendre du côté syndical. Un bon patron, selon les syndicalistes (et j’ai eu l’occasion de les entendre me l’expliquer 100 fois), c’est une sorte de représentant de commerce, qui obtient des commandes à des prix maxima, dans le seul but de donner le moins de travail possible payé le plus cher possible à ses salariés. Ceux qui n’y parviennent pas sont mauvais, et ne méritent aucune pitié.
Rien à attendre ! Inutile de croire à quelque « dialogue » que ce soit : temps perdu. Se taire et essayer de survivre. Externaliser tout ce qui peut l’être (et dans ce domaine, on découvre que l’on peut aller très loin) : réduction du risque social. Délocaliser : pour la même raison (ici, la réduction des coûts devient tout à fait secondaire). Chercher des clients qui ne soient pas ruinés par une fiscalité désastreuse, c’est-à-dire ailleurs qu’en France. Et pour ceux qui le peuvent, fuir ailleurs.
Tout cela ne va pas dans le sens de l’emploi, me dites-vous ? Ah bon ? Dans ce cas, il faudra peut-être penser à revoir les « règles du jeu ». Inventer de nouvelles règles, qui permettent par exemple aux patrons de s’exprimer, et qui leur donnent envie de le faire. Ah, petite précision ! S’exprimer, pour un patron, ce n’est pas « dire » !
C’est entreprendre.
Paris, le 30 juillet 2014
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