Quelle que soit votre opinion quant à la personne qui joue en ce moment le rôle de président, je me doute bien que mes avis ont peu de chances d’y changer quoi que ce soit, dans un sens ou dans l’autre, et c’est donc fort modestement que je risque la remarque ci-après.
Monsieur Macron prend très mal, à ce qu’on dit, qu’on l’accuse de tyrannie. Monsieur Dumas dans un récent billet a très bien répondu à ce sujet (https://temoignagefiscal.com/je-nhabite-pas-sur-la-meme-planete-que-macron/). Je me permets d’y ajouter un modeste grain de sel.
Monsieur Macron croit qu’il est un dirigeant. Il ignore par conséquent cette vérité fondamentale : un dirigeant qui prend des décisions à l’encontre d’une majorité de ses « dirigés », cela n’existe tout simplement pas. Dans aucune entreprise. Dans aucun parti politique. Dans aucune armée. Nulle part.
À vrai dire, tous, dirigeants, managers, chefs de guerre, tous, la vérité est qu’ils ne décident pas. Ils fédèrent, une idée, un projet, une utopie, un idéal, une passion, ce que vous voudrez, ces hommes ne sont pas suivis parce qu’ils ordonnent, mais parce qu’ils entraînent.
Je le répète, c’est la règle, y compris, ou plus encore dans les armées. Les hasards de la vie ont fait que je n’ai pas servi longtemps sur les bateaux de guerre, mais assez cependant pour avoir repéré ceci : chaque fois que notre bateau se trouvait confronté à la nécessité d’un effort plus important de l’équipage, le Commandant ne se contentait pas d’ordonner. Théoriquement, pourtant, cela aurait suffi. Qui aurait pu, à bord, ne pas exécuter un ordre reçu ? Mais non ! D’une façon ou d’une autre, le Commandant prenait la parole et expliquait. Et les bons Commandants sont incontestablement ceux qui expliquent mieux que les autres… ceux qui donnent l’envie, mieux, la rage, de se mettre en quatre…
Cette façon de faire est universelle.
Sauf dans un seul type d’organisation humaine : les administrations. Un chef entraîne. Un administrateur administre.
Prenons l’exemple de ce que certains appellent « réforme du système des retraites ». On peut avoir l’avis que l’on veut sur cette question. Mais ce qui est indiscutable, c’est que là comme ailleurs, Monsieur Macron et l’ensemble de son équipe ne se comportent pas en leaders, mais en administrateurs. « La réforme sera conduite à son terme. Vous pourrez discuter les miettes et les marges. Mais le projet, lui, ce sera comme j’ai décidé, point à la ligne. »
La vérité est que Monsieur Macron est resté ce qu’il a toujours été, un haut fonctionnaire. Mieux, un haut fonctionnaire de l’administration fiscale, ce qu’il y a de plus emblématique en matière d’administration. Un haut fonctionnaire, ça ne concerte pas. À quoi bon ? Puisque plus intelligent, mieux formé, il sait, mieux que les autres. Un haut fonctionnaire administre, point.
Un chef se désolerait de tant de manifestations contre ses projets. Un administrateur s’en moque, complètement.
Il est d’ailleurs seulement normal qu’il en soit ainsi. Le fonctionnaire est par nature un homme de l’État. Et comme l’ont démontré tant de penseurs, à commencer par La Boétie, ou plus près de nous, Pierre Clastres, l’État n’a pas d’existence propre (ce que démontre aussi Henri Dumas) ; il n’existe que contre la société. Alors oui, un administrateur à la tête de l’État, c’est une gestion administrative du pays. L’État contre la société.
Exactement, une tyrannie.
3 février 2020
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